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Johnny Delaware

Viva Americana

Inconnu au bataillon, le songwriter américain Johnny Delaware signe Para Llevar, une pépite americana façonnée au Mexique.

Co-fondateur du groupe roots-rock Susto, John Kuiper alias Johnny Delaware a grandi au milieu des prairies du Sud Dakota mais vit depuis quelques années au Mexique.

Son nouvel album solo, une merveille americana à cheval entre folk latino, country cosmique et songwriting circa Laurel Canyon, est aussi nomade que le style de vie de son auteur. Para Llevar fut enregistré dans divers studios des Etats-Unis et du Mexique, ainsi que dans des chambres d’hôtel d’Amérique-du-Sud.

Inspiré à la fois par une visite au Arches National Park en Utah et le personnage de chanteur country imbibé, incarné par Jeff Bridges dans Crazy Heart, “Never Let Go” est l’un des premiers extraits du nouvel album à découvrir. Pour cette vidéo, Delaware a fait appel à l’artiste visuel El Oms, dont il avait aimé le travail sur une vidéo pour Hermanos Gutierrez.

C’est un album carrément nomade,” confesse Johnny Delaware. “Je l’ai enregistré dans divers studios, au Mexique comme aux Etats-Unis, ainsi que dans des chambres d’hôtels d’Amérique-du-Sud. Et si vous prêtez attention, vous pourrez y entendre les bruits des gens et des endroits que j’ai rencontrés”. Du coup cela fait sens que Delaware ait intitulé cet album, « Para Llevar », qui signifie « à emporter ».

Inspiré par des années de voyages et d’errances – tant physiques que personnels – l’album mixe des sonorités propres à la scène de Laurel Canyon et d’autres issues d’Amérique Latine, le tout avec une production tour à tour cotonneuse et psychédelique, un peu comme les disques que façonne, sur la côte Ouest, Jonathan Wilson.

Delaware a produit l’album lui-même, en plus de jouer de quasiment tous les instruments. Les arrangements, assez minimalistes et aériens, sont centrés autour du chant. Les paroles quant à elles prennent leur source dans un besoin perpétuel de connexion, de recherche de sens. Au final, Para Llevar s’apparente à une exploration personnelle de la nature humaine, telle que vue à travers les yeux d’un observateur itinérant, une méditation fascinante sur le doute et l’espoir, la peur et l’amour, la solitude et tous ces sentiments qui, tous, nous lient, d’où qu’on vienne.

Tu peux très bien vivre heureux dans une petite bicoque ou te sentir comme une merde dans une superbe villa», commente Delaware. “Les choses matérielles ne changent pas qui tu es au plus profond. Au bout du compte, tu ne peux pas échapper à toi-même, peu importe où tu vas ».

Ayant grandi dans un trou paumé du Sud-Dakota, Delaware sentit très jeune l’appel de la route et, aussitôt après le lycée, passa une bonne partie de sa vingtaine à trainer entre Nashville, Albuquerque, et Austin, occupant son temps à faire de la musique et des petits jobs juste assez pour survivre. « J’ai traversé une période particulièrement sombre quand j’étais au Texas”, raconte-t-il. « C’est la première fois que je réalisais à quel point une chanson pouvait être importante/puissante, comment elle pouvait guérir et changer ta vie. C’est à ce moment que j’ai compris que je devais enregistrer mes propres chansons pour pouvoir faire la même chose pour les autres

Puis quand un arbre tomba sur sa voiture, son assurance lui versa une indemnité du montant exact de ce dont il avait besoin pour enregistrer son premier album. Delaware prit alors la direction de Charleston, en Caroline-du-Sud, où il retrouva le producteur Wolfgang Zimmerman pour enregistrer son premier album, Secret Wave (2013). Le disque reçut un bel accueil critique, le journal local Charleston City nommera même Delaware “songwriter de l’année”.

Mais le destin allait frapper de nouveau, forçant le musicien à mettre sa prometteuse carrière solo sur pause : un autre projet musical qu’il avait aidé à monter, Susto, également originaire de Charleston, était en train d’exploser aux Etats-Unis. En à peine une décennie, le groupe Susto allait devenir l’une des formations les plus importantes de la scène indie-roots / alternative country, célébrée aussi bien par Rolling Stone que Spin, et partageant la scène avec The Lumineers, Band of Horses, ou The Head and the Heart.

Alors que j’étais entre deux tournées avec Susto, un ami archéologiste m’a invité à le rejoindre au Mexique” raconte Delaware. “Je pensais y rester juste quelques mois, mais la vie en décida autrement.” Ou plus précisément, l’amour. Delaware tomba sous le charme de Mexico, de sa culture, sa cuisine et l’art local. Il y rencontra sa petite-amie, adopta un chien et acheta un terrain.

En 2022, il enregistra un second album solo, Energy of Light, tout aussi bien accueilli que le précédent et continua ses allers et retours d’un côté et de l’autre de la frontière pour faire des concerts avec Susto et écrire les chansons qui allaient se retrouver sur Para Llevar. “J’ai pris la decision de produire cet album moi-même, ce qui fut un grand pas pour moi” explique Delaware. “Sur les disques précédents, j’ai toujours eu quelqu’un sur lequel me reposer, j’ai donc dû apprendre cette fois à faire confiance à mon instinct et avoir foi dans mes intuitions. Quand tu parviens à faire abstraction des pressions extérieures et garder à l’esprit que la seule personne à qui la musique doit plaire – en tout cas au moment de sa création -, c’est toi-même, tu te sens plus léger. Il y a quelque chose de pur et de beau dans ce processus.”

Cette pureté dans l’intention artistique, on peut l’entendre sur Para Llevar, dès cette chanson d’ouverture, étrange et résolue à la fois, “Jungle Full of Ghosts.”
I ain’t afraid to get lost down a backroad,” chante Delaware sur des accords de guitare mineurs, un brin hypnotiques. “I ain’t afraid of the hard way or to be alone.” A l’instar du reste de l’album, ce titre invite à se regarder en face dans le miroir, se réconcilier avec le passé pour devenir une version plus forte, plus épanouie de nous-même.

Plus tard, le brumeux “Running” évoque la futilité d’essayer d’échapper à son histoire, tandis que le rêveur “Darkness” lutte contre les sirènes du cynisme et de la négativité. “Stubborn Faith” refuse de laisser le poids du monde étouffer notre désir d’en faire partie. “La question n’est pas de prétendre que tout est formidable à chaque instant” commente Delaware, “mais si tu ne vas pas chercher la lumière de temps en temps, si tu ne lui fait pas de place dans ta vie, alors l’obscurité risque de t’engloutir.” Ainsi Delaware choisit l’amour plutôt que la peur sur cet album, s’autorisant à savourer les petits moments de perfection qui parsèment nos vies imparfaites.

“Caution Darlin”, titre doux-amer, trouve de la paix dans la beauté d’une romance et de l’abandon qui l’accompagne. Le rafraîchissant “You Alone (Are The Revolution)” débloque la libération de l’intérieur. “La chose la plus radicale que l’on puisse faire, c’est d’essayer d’être la version la plus honnête, authentique de nous-même» déclare Delaware. “Le changement ne vient pas des politiques ou des corporations; il vient en prenant soin de soi-même et de sa communauté, il vient en étant un bon voisin, un bon ami et un bon père de famille. »

Au final, il est là le sujet de Para Llevar. Peu importe où l’on va dans ce monde ou bien d’où l’on vient, c’est notre responsabilité de dénicher le bien, le beau et le bon et de les embarquer avec nous, pour ensuite les partager avec le plus de monde possible. Après tout, comme tout bon nomade vous le dira, le bonheur n’est pas une destination, mais un voyage.

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Chuck Prophet + GA-20

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